Fauré, Gabriel, Cantique de Jean Racine

Le Cantique de Jean Racine est une œuvre pour chœur mixte à quatre voix et orgue. Encore élève à l’Ecole de musique religieuse Niedermeyer, la composition de ce Cantique a valu au jeune Gabriel Fauré un premier prix de composition qui couronna ses 10 années d’études. C’est sa première œuvre de musique religieuse, et qui ne fut précédée que de quelques romances et autres petites pièces pour piano.

Le texte de Jean Racine (1639-1699) est une paraphrase de l’hymne Consors paterni luminis datant du Moyen Âge. Attribuée à Saint Ambroise, elle était chantée au début des matines. On peut percevoir dans la paraphrase française un jansénisme latent : la paternité divine n’est pas mentionnée explicitement chez Racine alors que l’original en parle deux fois. Là où l’hymne exhorte le croyant à se réveiller au cœur de la nuit pour prier et y chasser la pesanteur d’un sommeil pouvant mener à l’acédie*, Jean Racine y voit le poids du péché. Enfin, si la lumière baigne la première strophe latine, écho du lumen de lumine du Credo, le texte français n’évoque que le jour éternel. Ces différences font ressentir un salut moins proche et un Dieu plus lointain dans la bouche de l’auteur du XVIIe siècle que dans l’original médiéval.

*L’acédie est un concept moral, religieux et psychologique qui a pris des sens différents selon les cultures dans lesquelles il est utilisé. Elle signifie à l’origine un manque de soin. La notion fut ensuite christianisée par les pères du désert pour désigner un manque de soin pour sa vie spirituelle1. La conséquence de cette négligence est un mal de l’âme qui s’exprime par l’ennui, ainsi que le dégoût pour la prière, la pénitence et la lecture spirituelle. Quand l’acédie devient un état de l’âme qui entraîne une torpeur spirituelle et un repli sur soi, elle est une maladie spirituelle2. Le pape Grégoire le Grand intègre l’acédie dans la tristesse dont elle procède. Prise en tant que telle, l’acédie est donc à cette époque un simple vice. Au XIIIe siècle, Thomas d’Aquin réintègre l’acédie dans la liste des sept péchés capitaux dont vont découler tous les autres. Jean-Charles Nault considère que l’acédie, péché monastique par excellence, constitue un obstacle majeur dans le déploiement de l’agir de tout chrétien. Il préconise de la reprendre en compte dans la morale actuelle. Robert Faricy voit dans l’acédie la principale forme d’indifférence religieuse.