Bach Jean-Sébastien, Messe en si, BVW 232

La messe en si mineur de Bach est une œuvre très longue, dont le texte est issu de l’ordinaire, se compose de 25  parties. Composée sur une très grande période, de 1714 à 1749, cette messe n’a pas connu d’exécution globale du temps de sa composition. Après la mort de Bach en 1750, elle fut totalement oubliée  et ne fut exhumée qu’en 1833 où elle fut publiée, autour du grand mouvement de résurrection de ses œuvres initié par Mendelssohn. Il faut attendre 1859 pour l’entendre pour la première fois en entier.

Bach est protestant, et selon la doctrine de Luther compose l’essentiel de ses œuvres religieuses en allemand, pour que le fidèle, non forcément lettré, puisse participer. Or la Messe en si mineur est écrite en latin et suit le rite catholique. On s’est alors toujours demandé pourquoi Bach qui était donc protestant, avait écrit une œuvre catholique. Une des premières raisons est probablement due au fait que cette œuvre était dédiée à un souverain catholique auprès de qui Bach sollicitait un emploi (voir chapitre B  «Genèse de sa composition».) Une autre raison tient au fait que Bach avec cette œuvre, se situait au-delà des clivages religieux et que la musique, finalement, importe plus que tout, ainsi que la nécessité d’écrire une œuvre pour Dieu.

La messe en si apparaît comme un monument testimonial de toute l’œuvre de Bach, comme l’affirme  A.Basso :
«Ainsi, une œuvre comme la Messe en si mineur pourra prendre l’aspect d’un chef d’œuvre suspendu dans le vide, d’une œuvre d’art polyvalente, dans laquelle le recours à plusieurs styles contrastants entre eux (…) constitue la raison première du message musical. Il ne faut pas voir, en somme, dans le fait que coexiste ici, à côté de formules datant de la Renaissance, du début et de la fin de l’ère baroque, un certain nombre d’ouvertures vers une musique plus «actuelle», une naïve tentative de concilier des tendances diverses, mais un symbole de la géniale inspiration qu’eut Bach de se situer hors de la mêlée, au dessus de tout et de tous, pour s’engager dans une lutte passionnée autant que désintéressée contre l’abus des conventions et des péchés de la mode. Sous cet aspect, le polyptique de la Messe en si mineur, quoique décomposé en divers panneaux, se révèle une œuvre compacte, homogène et conséquente, digne de représenter l’époque à laquelle elle fut créée, une époque de crise, mais d’une crise que Bach finalement ne subit jamais et surmonta même avec l’élan spirituel propre aux hommes sages et justes. »

Voici la dédicace que Bach rédigea en envoyant son œuvre:

«Sérénissime Prince Electeur, Monseigneur,
C’est avec la dévotion la plus profonde que je remets à Votre Altesse Royale ce négligeable résultat de la science que j’ai pu acquérir dans l’art de la musique. Je vous supplie très humblement de ne pas trop prendre en compte la pauvreté de cette composition, mais de la considérer avec votre regard miséricordieux, à la mesure de la clémence qui vous est bien connue, et daignez me prendre sous votre très puissante protection. Voici plusieurs années que j’ai eu la direction de la musique des deux églises principales de Leipzig, et, y travaillant, j’ai du souffrir – sans l’avoir mérité – plusieurs offenses, et en même temps, d’une diminution des honoraires supplémentaires qui y sont attachés. Ceci importerait bien peu, si Votre Altesse Royale, avait la grâce de me conférer la charge de sa chapelle palatine et envoyait pour cela ses ordres aux autorités compétentes pour en prodiguer le décret. Une telle grâce à mes humbles instances me lierait à une vénération sans limite, et je m’offrirais, dans l’obéissance qui vous est due de composer, chaque fois que Votre Altesse Royale le désirerait, tant de la musique sacrée que de la musique d’orchestre, en témoignant d’un élan intarissable et en sacrifiant toutes mes forces à votre service, je demeure dans une infinie fidélité à Votre Altesse Royale. Dresde le 27 juillet 1733. Votre très humble et très obéissant serviteur Jean-Sébastien Bach. »

LE CRUCIFIXUS

La crucifixion et la mort du Christ, épisode douloureux pour lui et ses proches, est traduit dans cette œuvre par le caractère lourd, pesant et triste de la composition. Bach trouve la source de ce Crucifixus dans une pièce extraite de la cantate Weinen – Klagen Sorgen – Zagen BWV 12  (Les pleurs et les lamentations, les tourments et le découragement, L’angoisse et la détresse, Voilà le pain noir des chrétiens, Qui portent le fardeau de Jésus.

Il s’agit d’une chaconne, c’est-à-dire d’une pièce dont le continuo observe un même motif répété inlassablement. Le motif de basse est répété 12 fois auquel est rajouté une 13e section différente en sol majeur. A la manière d’un Lamento Ce motif contient en germe la douleur inspirée du texte: il procède d’un chromatisme descendant, procédé figuraliste bien connu pour évoquer la mort et la tristesse. Sur cette basse immuable, les voix  énoncent toutes une à une le mot Crucifixus avec des intervalles parfois extrêmement dissonants, autre figuralisme propre à exprimer la douleur portée par le texte. L’ austérité orchestrale installe l’auditeur dans une régularité qui permet aux voix d’être mises en valeur. Les lignes vocales et instrumentales descendantes symbolisent la chute et la mort.