Janequin Clément, La guerre 2


Clément Janequin
est un compositeur, chantre et prêtre français, né à Châtellerault vers 1485 et mort à Paris en 1558, connu pour ses chansons polyphoniques.

Ses compositions, plus de 250 chansons, notamment, étaient, paraît-il, chantonnées dans toute l’Europe.

Des musicologues font l’hypothèse qu’il fut, dans sa jeunesse, au service d’un certain Louis Ronsard, le père de Pierre, avec lequel il aurait* accompagné le roi de France lors de l’expédition que ce dernier entreprit sitôt couronné.

 

 

Vous aurez reconnu la campagne d’Italie que devait clore la bataille de Marignan (Melegnano), bien connue des petits écoliers français, 1515, les 1 et 4 septembre. Deux jours ! Car elle fut longue.

Cette bataille qui fit plus de quinze milles victimes. Cette bataille qui vit le glorieux seigneur Pierre Terrail de Bayard, gouverneur du Dauphiné, adouber sur le champ le roi de France,
Cette bataille qui, manifestant la supériorité de l’artillerie à feu des Français sur les « piquiers » helvètes, mercenaires des États italiens, amena les Suisses à conclure une « paix perpétuelle » avec la France, prémisses d’une neutralité prolongée,
Cette bataille qui lança la Renaissance française, sœur cadette de l’italienne…,

Cette bataille sera l’occasion d’inspiration d’une des plus célèbres chansons de notre musicien, La Guerre, appelée aussi La Bataille,La Bataille de Marignan, La Bataille française, La Bataille des Géants, ou encore La Chanson des Suisses, voire La Défaite des Suisses .

Mais relisons plutôt le musicologue Jean-Pierre OUVRARD *:

« Si c’est bien pour célébrer la victoire de François 1er sur les Milanais et leurs troupes suisses, à Marignan en septembre 1515, que Janequin écrivit la fameuse Chanson de la Guerre, l’œuvre ne fut publiée à Paris qu’en 1528, dans les Chansons de Maistre Clément Janequin. Ce n’est guère que dans une tablature de luth italienne de 1540 qu’elle apparaît avec le titre, depuis fort répandu, de Bataglia de Maregnano : on la trouve aussi souvent désignée comme Bataille. Janequin n’est pas le premier à utiliser un argument militaire dans la musique vocale : déjà au XIVème siècle de nombreuses caccie italiennes avaient exploité des appels guerriers ou des sonneries de fanfare. Le titre A la bataglia apparaît dans une œuvre instrumentale de H. Isaac. Mais c’est surtout dans une chanson anonyme italienne à 3 voix (Ms. Pixerécourt, Paris, BN, fr.15123) qu’on trouve déjà un usage imitatif des cris de combat, dans la manière du « quodlibet » de la fin du XVème Siècle.
« Écrite dans le ton de fa – beaucoup d’éditions modernes à usage choral la transposent en la maj. -, la chanson de Janequin, à 4 voix dans sa version originale, se présente en deux parties. La prima pars constitue un véritable exorde, au cours duquel le ton impératif se déplace de l’auditeur (« Escoutez tous gentilz galloys »), spectateur du combat, aux acteurs de la bataille qui se prépare (« Bendez soudain, gentils gascons, Nobles, sautez dans les arçons »). Le texte, encore discursif, avec sa versification presque régulière (en octosyllabes à rimes plates) est développé dans un contrepoint qui conjugue la linéarité des imitations et les sonneries d’accords parfaits dans le style d’une fanfare (« Escoutez »). Mais, très vite, cette écriture contrapuntique est animée par une déclamation rapide dans le style des chansons narratives du compositeur (« Et orrez si bien escoutez Des coups rués de tous côtés »). La variété de la déclamation crée des changements de tempo auxquels s’ajoutent les oppositions fréquentes de densité polyphonique et de métrique (binaire/ternaire) pour faire de ces préparatifs au combat un spectacle extrêmement vivant, dans lequel on discerne aussi quelques cris (« Alarme [ … ] Suyvez la couronne »). Lasecunda pars est d’une tout autre nature : de discursif, le texte devient tout d’un coup essentiellement onomatopéique. Le contrepoint s’y tisse de bruits divers habilement mélangés. Cette partie de la Guerre, qui a fait son succès, véritable archétype des musiques à programme, tient de la fricassée. Les cris de la bataille (« Tost à l’estandart [ … ] a mort a mort [ … ] courage ») s’y mêlent au bruit des armes (« von von patipatoc [ … ] trique trac [ … ] zin [ … ] zin ») et aux signaux musicaux. Janequin y reprend diverses sonneries de trompettes qui devaient être déjà en usage en 1515 ; ainsi le « Boute selle » du début correspond exactement à celui que M. Mersenne mentionne en 1626 parmi « ces chansons de la trompette, dont on use dans la Milice » (Harmonie universelle V, p. 264). Diverses batteries de tambours françaises (comme « l’entrée de la Marche : Frère le le lan fan ») ou suisses (« Port pon port port ») s’y ajoutent, contrepointées par les mélodies des trompettes ou des fifres. L’Orchésographie de Th. Arbeau atteste, là aussi, que l’œuvre de Janequin constitue l’un des premiers témoignages écrits des signaux militaires. Mais rythmes, bruits et onomatopées s’articulent de manière à tisser une trame narrative qui rend réellement présent le déroulement du combat, jusqu’à la retraite des Suisses. »

*Jean-Pierre Ouvrard est un musicologue français, professeur, chercheur à l’Université de Tours et chef de chœur , né le à Trémentines , mort le à Tours. Il a fondé l’Ensemble Jacques Moderne en 1973 et le Centre de musique ancienne à Tours en 1991.